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LE COMTE KOSTIA


parties inférieures des pendentifs, les peintures étaient si dégradées que les sujets en étaient à peine reconnaissables. On apercevait çà et là des ailes d'anges, des trompettes, des bras qui avaient perdu leurs mains, des bustes dont la tête avait disparu, des couronnes, des étoiles, des crinières de cheval, des queues de dragon. Ces tristes débris formaient des hiéroglyphes mystérieux et menaçants. C'était une étrange décoration pour un réfectoire.

A cette heure de la journée, les trois fenêtres ogivales ne donnaient qu'une lumière terne et rare; on y avait suppléé par trois lampes de bronze sus- pendues au plafond par des chaînes de fer, et dont les flammes brillantes ne réussissaient que difficilement à éclairer les profondeurs de cette salle caverneuse. Au-dessous des trois lampes était dressée une longue table où vingt convives eussent aisément trouvé place; à l'une des extrémités arrondies de cette table, trois couverts et trois chaises de maroquin avaient été disposés en demi-cercle; à l'autre extrémité, un seul et unique couvert faisait face à un simple escabeau de bois. Le comte s'assit et fit signe à Gilbert de se placer à sa droite; puis, déployant sa serviette, il dit sèchement au grand valet de chambre allemand :

« Comment se fait-il que mon fils et le père Alexis ne soient pas encore ici ? Allez les chercher. »

Quelques instants après, la porte s'ouvrit, et Stéphane parut. Il traversa la salle les yeux baissés, et, s'inclinant vers la longue main sèche que lui présenta son père sans le regarder, il l'effleura du bout des lèvres. Cette marque de déférence filiale devait lui coûter beaucoup, car il fut pris de ce