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LE COMTE KOSTIA

il ajoutait : « Mon pauvre ami! te voilà condamné à passer quelques années de ta vie entre un tyran qui est quelquefois aimable et une victime qui ne l'est pas du tout! »


VI


Au moment où Gilbert rentra au château, M. Leminof se promenait sur la terrasse. Il aperçut de loin son secrétaire et lui fit signe de venir le rejoindre. Ils firent ensemble quelques tours le long du parapet, et tout en marchant Gilbert étudiait le père de Stéphane avec encore plus d'attention qu'il n’avait tait jusqu'à ce jour; ce qui le frappait surtout, c’étaient ces yeux d'un gris un peu trouble, dont les regards vagues, mobiles, insaisissables, devenaient par instants froids et lourds comme du plomb. Jamais du reste M. Leminof n’avait été aussi aimable avec son secrétaire; il lui parlait d'un ton enjoué et le regardait d'un air de bonhomie charmante. Ils conversaient depuis un quart d'heure quand le tintement d'une cloche les avertit que le dîner était servi. Le comte Kostia conduisit Gilbert dans la salle à manger. C'était une immense pièce voûtée et lambrissée de chêne noir, qui prenait jour sur la terrasse par trois petites baies ogivales, les voussures du plafond étaient recouvertes de vieilles peintures apocalyptiques que le temps avait écaillées et rongées. Au centre, on voyait l'Agneau aux sept cornes assis sur son trône; autour de lui se tenaient les vingt-quatre vieillards vêtus de blanc. Dans les