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LE COMTE KOSTIA

Gilbert avait contemplé cette scène avec une tristesse mêlée de dégoût. Il eût donné beaucoup pour que l'un des enfants résistât à l'insolente fantaisie de Stéphane, mais n'ayant pas eu ce contentement, il ne songea qu'à dissimuler son chagrin.

« Qu'est-ce que cela prouve? répondit-il sèche- ment.

— Mais il me semble que cela prouve beaucoup de choses, et entre autres celle-ci : que certains attendrissements sont fort ridicules, et que certains mentors de ma connaissance qui se mêlent de faire la leçon aux autres. »

Il n'en dit pas d'avantage, car en ce moment un caillou lancé d'une main vigoureuse siffla à ses oreilles et fit rouler sa barrette dans la poussière.

Il tressaillit, poussa un cri de colère, et, donnant un grand coup d'éperon à son cheval, il le lança au galop à travers le taillis. Gilbert ramassa la barrette et la remit à Ivan. Celui-ci lui dit en mauvais allemand :

« Il faut lui pardonner; le pauvre enfant est malade. »

Et il partit en hâte à la poursuite de son jeune maître.

Gilbert courut après eux. Quand il les eut rejoints, Stéphane était descendu de cheval, et il se tenait debout, les poings fermés, devant un enfant qui, tout essoufflé d'avoir couru, s'était laissé choir d'épuisement au pied d'un arbre. Gilbert reconnut Wilhelm. En s'enfuyant, il avait fait plusieurs accrocs à son san-benito, et il considérait d'un œil morne ces déchirures, sans répondre autrement que par monosyllabes à toutes les menaces de Stéphane.