Page:Cherbuliez - Le comte Kostia (7e édition).djvu/78

Cette page n’a pas encore été corrigée
66
LE COMTE KOSTIA

neur du bon Dieu : il vous en récompensera un jour dans l'autre monde; mais moi, les petits plaisirs; qu'on me fait, j'en donne tout de suite la récompense. Aussi chacun de vous recevra de moi à l'instant un beau thaler de Prusse, s'il consent à me rendre le petit service que je vais dire. Il s'agit seulement de baiser gracieusement et délicatement le fin bout de mon soulier. Je vous le répète, cette petite cérémonie vous rapportera à chacun un beau thaler de Prusse, et par-dessus le marché vous aurez la satisfaction de vous être rompus à un exercice qu'on ne saurait trop pratiquer dans ce monde, car c'est le moyen d'arriver à tout. »

Les sept enfants regardaient Stéphane d'un air interdit et bouche béante. Pas un ne bougeait. Leur immobilité et ces sept paires d'yeux fixes et ronds braqués sur lui l'impatientèrent.

« Allons, mes agneaux! leur dit-il d'une voix caressante, n'écarquillez pas ainsi vos yeux! On dirait des portes cochères ouvertes à deux battants. Il faut s'exécuter avec aplomb, avec grâce. Eh ! bon Dieu! vous enverrez et vous en ferez bien d'autres dans votre vie. Il y a commencement à tout… Allons, dépêchons. Un thaler vaut trente-six silbergros, et un silbergros vaut dix pfennings, et pour cinq pfennings on peut avoir un massepain, une brioche toute chaude ou un petit bonhomme en jus de ré- glisse. »

Et remuant de plus belle la grande bourse de cuir, il s'écriait :

« Oh ! le joli son que cela rend ! Les jolis tintements! le joli cliquetis, mes enfants! comme cela caresse amoureusement l'oreille! Toute musique