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LE COMTE KOSTIA

n'ai pas été poli à votre égard, et comme je me pique de procédés, je veux obtenir mon pardon en vous flagornant un peu.

— C'est trop de bonté, lui répondit Gilbert. Ne prenez pas cette peine. Le meilleur procédé que vous puissiez avoir à mon égard, c'est de vous occuper de moi le moins possible.

— Et vous me rendrez la pareille?

— Ah ! rappelez-vous que les choses ne sont pas égales entre nous. Je ne suis qu'un insecte, il vous est bien facile de ne pas me voir, tandis…

— Votre raisonnement n'a pas le sens commun, interrompit Stéphane. Regardez ce scarabée vert qui traverse le chemin : je le vois, et il ne me voit pas. Mais quittez ce ton persifleur; il ne faut pas sortir de son caractère. Ce qui me plaît en vous, c'est que vous avez dans l'esprit une candeur qui me paraît fort divertissante. A propos, faites-moi l'amitié de me dire ce que c'est que ce volume qui ne vous quitte pas, et que vous méditez avec tant d'ardeur. De bonne foi, ajouta-t-il d'un ton de câlinerie enfantine, qu'est-ce donc que ce livre que vous pressez sur votre cœur avec tant de tendresse ? »

Gilbert se leva et lui présenta le livre.

« Essai sur les Métamorphoses des Plantes. Ainsi les plantes ont le privilège de se métamorphoser!… Mon Dieu, qu'elles sont heureuses! Elles devraient bien nous dire leur secret »

Puis, refermant le volume et le rendant à Gilbert :

« Heureux homme ! s'écria-t-il, vous vivez parmi les plantes des bois comme dans votre élément ! Ne seriez-vous pas un peu plante vous-même? Je suis sûr que tout à l'heure vous avez suspendu plus