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LE COMTE KOSTIA

russe dans toute sa beauté originelle. Il était petit, un peu trapu, mais vigoureux et robuste; il avait un teint frais et reposé, des joues pleines et roses, des cheveux d’un blond clair, de grands yeux caressants, une longue barbe châtaine à laquelle se mêlaient déjà quelques fils d’argent. C’était une de ces physionomies telles qu’il s’en rencontre souvent parmi les gens du peuple en pays slave ; elle annonçait à la fois l’énergie dans l’action et la placidité de l’âme.

Quand Gilbert l’eut bien regardé : « Cher monsieur, dit-il à Stéphane, je ne crois pas au martinet d’Ivan.

— Ah ! que vous voilà bien, vous autres grimauds de cabinet ! s’écria Stéphane avec un geste de colère. Vous admettez sans réflexion et comme parole d’Évangile toutes les monstrueuses sornettes que vous trouvez dans vos bouquins, et les choses les plus ordinaires de la vie vous apparaissent comme des prodiges absurdes auxquels vous refusez de croire.

— Ne vous fâchez pas. Le martinet d’Ivan n’est pas précisément un article de foi. On peut n’y pas croire sans être pour cela un homme à brûler. Au surplus, je suis tout prêt à revenir de mon hérésie ; mais je vous confesserai que je ne trouve rien de farouche ni de rébarbatif dans la figure de ce brave domestique… Dans tous les cas, c’est un geôlier qui ne tient pas de court ses prisonniers ou qui se relâche quelquefois de sa consigne, car il me semble que l’autre jour vous couriez les champs sans lui, et vraiment l’usage que vous faisiez de votre liberté…