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LE COMTE KOSTIA

pliqua impétueusement Stéphane. Et, d'ailleurs, apprenez une fois pour toutes qu'entre nous les choses ne sont pas égales, et que quand même je vous provoquerais, vous seriez un misérable de lever sur moi le bout de votre doigt !

— Oh ! voilà qui est trop fort ! s'écria Gilbert en éclatant de rire. Et pourquoi cela, mon petit ami ?

— Parce que… parce que…, » balbutia Stéphane; et il se tut subitement.

Une expression d'amère tristesse passa sur son visage; son front se crispa, ses yeux devinrent fixes. C'était ainsi qu'avait commencé ce terrible accès de désespoir qui avait si fort effrayé Gilbert lors de leur première rencontre. Heureusement cette fois l'explosion fut moins violente. Le bon Gilbert passa promptement de la colère à la pitié ; il se dit qu'il y avait dans ce cœur une plaie secrète, et il en fut plus persuadé encore quand, après une longue pause, Stéphane, recouvrant l'usage de la parole, lui dit d'une voix entrecoupée :

« L'autre jour j'étais malade, cela m'arrive quelquefois… on doit des égards aux malades. »

Gilbert ne répondit rien; il craignait d'exaspérer par un mot dur cette âme si passionnée et si peu maîtresse d'elle-même; mais il ne laissait pas de se dire que les jours où Stéphane se sentait malade, Stéphane ferait bien de garder la chambre.

Ils cheminèrent quelques instants en silence, jus- qu'à ce que sortant de son accablement :

« Vous avez eu tort de quitter sitôt la fête ! s'écria Stéphane d'un ton cavalier. Si vous étiez demeuré jusqu'à la fin, vous auriez entendu chanter le Christ