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LE COMTE KOSTIA

avait peur de lui, et il continua paisiblement sa route, le visage collé sur son livre.

Stéphane l'eut bientôt rejoint, et mettant son cheval au pas :

« Savez-vous, monsieur, lui dit-il, que vous n'êtes guère poli ! Vous me quittez brusquement, sans daigner seulement prendre congé. Vos procédés sont bizarres, et vous me semblez étranger aux premières notions du savoir-vivre.

— Que voulez-vous, mon cher monsieur, lui ré- pondit Gilbert, vous avez été si aimable, si prévenant la première fois que j'eus l'honneur de vous rencontrer, que cela m'a découragé. Je me suis dit que j'aurais beau faire, je serais toujours en reste avec vous.

— Vous êtes rancunier, monsieur le secrétaire, repartit Stéphane. Eh quoi ! vous n'avez pas encore oublié cette petite aventure?

— Vous ne vous êtes pas mis en peine, ce me semble, de me la faire oublier.

— C'est vrai, j'ai eu tort, répondit-il en ricanant ; attendez un moment, je m'en vais descendre de cheval, je me mettrai à genoux, là, au milieu du chemin, et je vous dirai d'une voix lamentable : Monsieur, je suis désolé, navré, désespéré… De quoi ? je n'en sais trop rien. Monsieur, dites-moi, de grâce, de quoi faut-il que je vous demande pardon ? car, s'il m'en souvient, vous aviez commencé par lever sur moi votre bâton.

— Je n'avais point levé mon bâton sur vous, répondit Gilbert outré d'indignation; je me contentais de parer le coup que vous alliez me porter.

— Mon intention n'était pas de vous frapper, ré-