Page:Cherbuliez - Le comte Kostia (7e édition).djvu/62

Cette page n’a pas encore été corrigée
50
LE COMTE KOSTIA

phane qu'il n’avait pas revu depuis l'aventure de la fontaine, et dont la présence lui causait en ce moment un indéfinissable malaise. Le regard plein de reproches qu'il avait lancé au jeune homme, loin de l'intimider, ne servit qu'à exciter sa verve railleuse, et, après s'être tu quelques secondes, il tint en français le monologue suivant, parlant bas, mais d'une voix si distincte, que Gilbert, à son grand chagrin, ne perdait pas un mot :

« Mon Dieu ! que ces bambins sont ridicules! C'est qu'ils ont vraiment l’air de se prendre au sérieux ! Quels types vulgaires ! quelles figures carrées et osseuses! Leur physionomie basse et stupide ne jure-t-elle pas étrangement avec leurs ailes ?… Voyez- vous ce petit gars qui tord la bouche et roule les yeux ? Il a un air de componction tout à fait édifiant. L'autre jour, on le surprit à dérober des fascines chez le voisin. Cet ange-là n'a pas besoin d'ailes pour voler… Ah ! en voici un autre qui perd les siennes! Oh ! le funeste accident ! Il se baisse pour les ramasser ; il les met sous son bras comme un chapeau gansé. L'idée est heureuse ! Mais, Dieu merci ! leurs litanies sont terminées. C'est au tour de saint Pierre de chanter. Le petit drôle a la voix juste, et il récite couramment sa leçon. On a dû avoir de la peine à la lui mettre dans la tête. Le magister du village lui aura sans doute appris à coups de trique à avoir de l’âme. C'est un procédé infaillible… Mais tu te désoles trop, mon bon Pierre, ton repentir est excessif. Tu n'as renié ton maître que trois fois. Ce n'est pas la peine d'en parler. Avec trois lâchetés sur la conscience, on est encore une manière d'honnête homme… Savez-vous quel est le seul de ces acteurs