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LE COMTE KOSTIA

noirs et de flammes renversées. Les cinq derniers étaient habillés de blanc; leurs épaules étaient or- nées de longues ailes en gaze rose, et ils tenaient à la main des branches de buis en guise de palmes.

Gilbert ralentit le pas, et lorsqu'ils l'eurent rejoint, il reconnut dans celui qui était accoutré du san-benito le petit porcher maltraité par M. Stéphane. L'enfant, qui, tout en marchant, regardait avec complaisance les flammes et les diables dont sa robe était émaillée, s'avança vers Gilbert, et, sans attendre ses questions, il lui dit : « Je suis Judas Iscariote. Voici saint Pierre, et voici saint Jean. Les autres sont des anges. Nous allons tous au village de R… pour prendre part à une grande procession qu'on y célèbre tous les cinq ans. Si vous voulez voir quelque chose de beau, vous n'avez qu'à nous suivre. Je chanterai un solo, saint Pierre aussi; les autres chanteront en chœur. »

Là-dessus Judas Iscariote, saint Pierre, saint Jean et les anges se remirent en marche, et Gilbert se décida à les suivre. Les premières maisons du village de R… s'élèvent à l'extrémité du plateau boisé qui s'étend au midi du Geierfels. Au bout d'une demi-heure la petite caravane fit son entrée dans le village au milieu d'une foule considérable accourue de tous les hameaux environnants. Gilbert s'achemina le long de la grande rue, décorée, de tentures et de reposoirs, et il déboucha sur une place plantée d'ormeaux dont l'église formait un des côtés. Bientôt les cloches sonnèrent à grande volée; les portes de l'église s'ouvrirent, la procession sortit. En tête marchaient des prêtres, des moines, et des laïques des deux sexes, portant des