arrimant des futailles dans une gabare… tous ces bruits divers arrivaient jusqu'à mon oreille en vibrations d'une netteté surprenante, jusqu'au moment où une bouffée de vent les brouillant tout à coup, je n'entendais plus rien qu'une vague musique qui semblait descendre du ciel; mais l'instant d'après, toutes ces voix frémissantes émergeaient de nouveau de ce tourbillon de confuse harmonie, et de nouveau chacune, sonore et distincte, racontait à mon cœur ravi quelque épisode de la vie de l'homme et de la nature. Et puis, quand la nuit vient, ma dame, à tous ces bruits du jour en succèdent d'autres plus secrets, plus pénétrants, plus mélancoliques. Aimez-vous, madame, le holement de la chouette? Il faudrait d'abord savoir si vous l'avez jamais entendu. C'est un cri. Non, ce n'est pas un cri, c'est une plainte douce, étouffée; c'est-un chagrin monotone et résigné qui se raconte à la lune et aux étoiles. L'un de ces tristes oiseaux loge à deux pas de moi, dans un creux d'arbre, et la nuit venue il se plaît à chanter un duo avec le vent qui soupire. Le Rhin se charge de l'accompagnement, et sa voix grave, étoffée, fait une basse continue, qui tour à tour se renforce ou décroît. L'autre soir, ce concert vint à manquer ; ni le vent ni la chouette n'était en voix. Le Rhin seul grondait tout bas; mais il me ménageait une surprise, il m'a prouvé qu'il sait faire quelquefois de l'harmonie à lui tout seul. Vers minuit, une barquette qui portait une lanterne à la proue s'est détachée du rivage et a traversé le fleuve en dérivant, et j'entendais distinctement ou je croyais entendre le clapotis de l'onde sur le flanc du bateau, le bouillonnement du remous qui se for-
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LE COMTE KOSTIA