Page:Cherbuliez - Le comte Kostia (7e édition).djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée
31
LE COMTE KOSTIA

nettes, si vous vous ravisez, vous me trouverez toujours prêt à les admirer ; mais vous ne les montrerez à personne ; vous m’entendez, à personne ! »

Le comte Kostia prononça ces derniers mots avec un accent si énergique que Gilbert en fut surpris. Il était sur le point de demander des explications ; le regard sévère et presque menaçant du comte lui en ôta l’envie.

« Vos recommandations, monsieur, répondit-il, sont superflues. Pour achever mon portrait, je ne suis guère expansif et j’ai peu de liant dans le caractère. À vrai dire, la solitude est mon élément, elle a pour moi des douceurs extrêmes. Voulez-vous faire une expérience ? Enfermez-moi sous clef dans cette chambre, et pourvu que chaque jour vous me fassiez passer un peu de nourriture par une chatière, dans un an d’ici vous me retrouverez assis à cette table, frais, joyeux et bien portant… A moins toutefois, ajouta-t-il, qu’à mon insu le mal du ciel ne me travaille sourdement. En ce cas, je pourrais bien un beau jour n’envoler par les fenêtres ; mais le mal ne serait pas grand. Trouvant la cage vide, vous diriez : « Il a poussé des ailes à ce bon garçon. Grand bien lui fasse ! »

— Je n’entends pas cela ! s’écria le comte. Monsieur mon secrétaire, vous me plaisez beaucoup, et de crainte d’accident je ferai griller cette fenêtre. »

Et à ces mots il attira à lui un fauteuil et s’assit en face de Gilbert, qui eût volontiers battu des mains à ce beau dénouement ; leur entretien ne roula plus que sur Byzance et son histoire. Le comte