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LE COMTE KOSTIA

se pique pas de poésie !… À merveille ! je prends acte de vos paroles ! Il ne s’agit entre nous que d’un marché. Je serai donc, si vous le voulez, l’exploitant, vous serez l’exploité, et vous ne vous plaindrez pas si je vous traite de Turc à More ?

— Pardon, répondit Gilbert, votre intérêt bien entendu vous commande de me ménager. Vous me donnerez beaucoup à faire, je ne plaindrai mon temps ni ma peine ; mais vous n’aurez garde de m’accabler. Aussi bien je ne suis pas exigeant ; tout ce que je demande, c’est que vous m’accordiez chaque jour quelques heures de loisir et de solitude pour recarder en paix mes marionnettes. »

M. Leminof s’arrêta tout à coup et se planta en face de Gilbert, les mains appuyées sur ses hanches.

« Vous sous assoirez, vous vous assoirez, monsieur le comte ! murmurait Gilbert entre ses dents.

— À ce compte-là, dit M. Leminof en le regardant finement, il se trouve que vous êtes un égoïste contemplatif. Au moins j’espère, monsieur, que vous avez des vertus de votre état : je veux dire que, très-occupé de vous-même, vous êtes exempt de toute curiosité indiscrète, L’égoïsme ne vaut tout son prix que lorsqu'il est accompagné d’une indifférence méprisante pour les affaires d’autrui. Écoutez-moi bien : je ne vis pas absolument seul ici ; je désire cependant que vous entreteniez avec moi des relation suivies. Les deux personnes qui habitent cette maison avec moi ne savent le grec, ni l’une ni l’autre : elles n’ont pas le droit de vous intéresser. Rappelez sous que j’ai le tort d’être jaloux comme un tigre : je prétends donc que vous soyez à moi sans partage. Et pour ce qui est de vos marion-