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LE COMTE KOSTIA

le front, un joli théâtre de marionnettes. La scène n’est pas bien vaste, mais mes marionnettes sont gentilles ; elles entendent très-bien leur métier et jouent avec le même talent la comédie et la tragédie. Je n’ai qu’à dire un mot, et aussitôt elles sortent de leurs boîtes, se costument, mettent un doigt de rouge, la rampe s’allume, le rideau se lève, la représentation commence, et je suis le plus heureux des hommes ! »

M. Leminof n’arpentait plus la chambre. Il se tenait immobile dans l’embrasure de la fenêtre et regardait dans la vallée.

« Je vous forcerai bien de vous asseoir, monsieur le comte, disait tout bas Gilbert.

— Vous piquez ta curiosité, repartit enfin M. Leminof après un silence ; ne me ferez-vous pas voir un jour vos marionnettes ?

— Impossible ! répondit-il ; mon Polichinelle, mes Arlequins et mes Colombines sont si timides qu’ils ne consentiraient jamais à affronter le feu de vos regards. Sans avoir de griffes au bout des doigts, monsieur, vous me semblez peu complaisant pour l’imagination d’autrui, et à votre seule approche mes pauvres poupées risqueraient de demeurer court : elles savent bien que leur répertoire ne serait pas de votre goût !

M. Leminof se remit à marcher, et en passant devant Gilbert il lui lança un regard à la fois hautain et caressant. C’est ainsi qu’un gros dogue regarde un barbet qui, ne doutant de rien, s’approche familièrement de sa majestée dentue et fait mine de jouer avec elle. Il gronde sourdement, mais sans avoir envie de se fâcher. Il y a je ne sais