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LE COMTE KOSTIA

Et il ajouta en s’exaltant : « Celui-là seul peut se vanter d’avoir vécu, qui un jour posséda la vérité, qui pressa d’une lèvre pure cette sainte hostie, qui sentit sa chair frémir à cet attouchement sacré et la vie divine se répandre comme un torrent dans ses veines embrasées !… Et cependant cela même ne me suffirait pas. Je voudrais trouver l’occasion d’accomplir un acte, un seul acte où je pusse faire passer mon âme tout entière, un acte dont on pût dire : «Dieu était là ! » un acte de foi, de dévouement dont le souvenir répandit comme un parfum sur ma vie. Cette occasion se présentera-t-elle ? Hélas ! en matière de vertu, la destinée semble me condamner à la portion congrue. »

Tout en se livrant à ces réflexions, Gilbert poursuivait son chemin. Il n’était plus qu’à une demi-lieue du château, lorsqu’il aperçut sur sa droite, un peu au-dessus de la route, une jolie fontaine qu’abritait une grotte naturelle. Un sentier y conduisit, et ce sentier exerça sur Gilbert une attraction irrésistible. Il alla s’asseoir sur le rebord de la fontaine, les pieds appuyés sur une pierre moussue. Ce devait être sa dernière halte, car la nuit approchait. Au bruit de l’eau qui bouillonnait dans le bassin, Gilbert avait repris le cours de sa causerie intérieure, quand il fut tiré brusquement de sa méditation par le bruit du sabot d’un cheval qui gravissait le sentier. Il leva les yeux, et il vit venir à lui, monté sur un grand alezan, un jeune homme de seize ans, dont la figure maigre et pâle était encadrée de magnifiques cheveux châtain clair retombant en boucles sur ses épaules. Il était petit, mais admirablement svelte et bien pris dans sa taille. Les traits de son visage, quoique nobles et réguliers, éveillèrent chez Gilbert