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LE COMTE KOSTIA

chais au petit, tu pourrais t’attirer sur les bras de méchantes affaires !

— Qui est ce M. Stéphane ? » demanda Gilbert.

Le cabaretier, que l’avertissement de sa femme venait de rappeler à la prudence, lui répondit sèchement : « Stéphane est Stéphane, les curieux sont des curieux, et les moutons out été mis au monde pour être tondus. »

Il le lui fit bien voir. Le pauvre Gilbert paya son frugal repas cinq ou six fois ce qu’il valait.

« Je n’aime pas ce Stéphane ! » se dit-il en sortant. Il est cause que je viens d’être rançonné. Est-ce ma faute à moi s’il est haut à la main ?

Gilbert descendit le mamelon et se retrouva sur la grande route ; elle ne lui plaisait plus, il savait trop bien ou elle le conduisait. Chemin faisant, il s’informa s’il y avait encore loin jusqu’au Geierfels. On lui répondit qu’en marchant bien, il y serait rendu en moins d’une heure. Gilbert ralentit le pas ; décidément il n’avait pas hâte d’arriver.

Le printemps avait toujours été sa saison de mélancolie. Quand les arbres se couvraient d’un nouveau feuillage, il eût trouvé naturel que sa vie aussi se mit à verdir ; mais il avait beau regarder au bout des branches, il n’y découvrait pas le moindre bourgeon. Il lui paraissait que sa destinée avait une couleur de feuille morte, et cependant il sortait de son cœur des parfums, des bruits de printemps, car, en dépit de tout, ce cœur était resté jeune. « Non, ce n’est pas mon cœur qui est jeune, se dit-il en marchant, c’est mon esprit. Le bon docteur me prend pour une sensitive, il ne se doute pas combien je suis maître de mes sentiments. Et, à vrai dire, je