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LE COMTE KOSTIA

et forts qui traitent la vie comme une aventure... »

Gilbert n’était pas homme à rêver longtemps. Il revint à lui, il se leva, se secoua.

« Tout à l’heure, pensa-t-il, je me croyais raisonnable ; il n’y parait guère. Allons, courage, reprenons notre bâton et partons pour le Geierfels. »

Comme il entrait dans la cuisine de l'auberge pour payer son écot, il y trouva le cabaretier occupé à bassiner avec de l'eau tiède la joue saignante d’un enfant. Pendant cette opération, l’enfant pleurait, et le cabaretier jurait. Dans cette minute, sa femme survint :

« Qu’est-il donc arrivé à Wilhelm ? lui demanda-t-elle.

— Il est arrivé, répondit-il en colère, que tout à l’heure M. Stéphane passait à cheval dans le chemin du Moulin, l'enfant marchait devant lui avec ses porcs. Le cheval de M. Stéphane s’est ébroué, et M. Stéphane, qui avait peine à le tenir, a dit à l’enfant : « Or çà, crois-tu, petit imbécile, que mon cheval soit fait pour avaler la poussière que font tes pourceaux ? Tire au large, pousse-les dans le taillis, et laisse-moi le champ libre ! — Prenez- Vous-même par le bois, le sentier est à deux pas, lui a répondu l’enfant. » Là-dessus M. Stéphane s’est fâché, et comme l’entant se mettait à rire, il a couru sur lui et lui a cinglé le visage d’un coup de cravache. Mordieu ! qu'il y revienne, ce petit monsieur, et je lui apprendrai à vivre. Je prétends l’attacher un de ces jours à un arbre et lui rompre dix fagots de bois vert sur le dos !

— Ah ! prends garde à ce que tu dis, mon vieux Peter ! reprit sa femme d’un air d’effroi. Si tu tou-