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LE COMTE KOSTIA

vage, j’ai l'honneur de le connaître, et je crois le savoir par cœur. Je vous en conjure, ne vous laissez pas prendre aux grâces de son esprit, aux séductions de ses manières. Pour l’amour de Dieu. n’allez pas aimer cet homme, ne lui donnez pas la cent millième partie de votre cœur ; ce serait autant de perdu, et plus tard vous seriez confus d’avoir fait un marché de dupe… Ensuite dites-vous bien que, s’il donne un traitement de douze mille francs à son secrétaire, c’est qu’il entend exiger beaucoup de lui. Donnant donnant, œil pour dent. Et rappelez-vous plutôt ces mots de sa lettre : & Le jeune oiseau de nuit me fera l’amitié d’avoir le caractère qui me conviendra. » Aussi le comte Kostia vous demander : pour douze mille francs d’abnégation. Êtes-vous en fond ? Il faut que la somme y soit. De grâce, soyez conséquent, et, après avoir accepté le marché, n’allez pas disputer pour obtenir un rabais. Ces ergoteries ne vous mèneraient à rien, et votre dignité en souffrirait. Tel est mon second conseil, et voici le troisième, car encore est-il bon de mettre de la méthode dans ses raisonnements. Ce gracieux boyard est revenu de tout, c’est le roi des sceptiques, et soyez sûr que le déniaisement russe atteint des dimensions qui ne se peuvent dire. Cet homme là n’a aucune croyance, et je doute même qu’il ai des opinions. Ne lui laissez donc pas soupçonner vos enthousiasmes. Il s’en ferait un jouet. Je crois déjà le voir allongeant sur cette proie ses ongles crochus de chat sauvage. Que votre cœur fasse le mort, mon cher Gilbert ! sinon, gare aux coups de griffe ! Et, quoi que vous en puissiez dire, m'est avis que votre âme est une vraie sensitive. Il n’est pas