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LE COMTE KOSTIA

ses recherches, il était plus effrayé de l’immensité de l’entreprise, et il conçut le désir de se procurer un aide intelligent, sur lequel il pût se décharger d’une partie de la besogne. Comme il se proposait d’écrire en français son volumineux ouvrage, c’est en France qu’il dut chercher cet outil vivant qui lui manquait, et il s’en ouvrit à l’une de ses anciennes connaissances de Paris, le docteur Lerins. « Depuis près de trois ans, lui écrivit-il, j'habite un véritable nid de hibou, et je vous serais fort obligé de me procurer un jeune oiseau de nuit qui fût capable de demeurer deux où trois années dans un vilain trou sans y mourir d’ennui. Entendez-moi bien, il me faut un secrétaire qui ne se contente pas d’avoir une belle main et d’écrire le français un peu mieux que moi ; je le voudrais philologue consomé et helléniste de première force, un de ces hommes tels qu’il doit s’en rencontrer à Paris, nés pour être de l'institut, et dont l’enchaînement des causes secondes contrarie la vocation. Si vous réussissez à me découvrir ce précieux sujet, je lui donnerai la meilleure chambre de mon château et douze mille francs d’appointements. Je tiendrais beaucoup à ce que ce ne fût pas un sot. Quant au caractère, je n’en parle pas ; il me fera l’amitié d’avoir celui qui me conviendra.

M. Lerins était lié avec un jeune Lorrain, nommé Gilbert Savile, savant de grand mérite, qui depuis plusieurs années avait quitté Nancy pour venir tenter fortune à Paris. À vingt-sept ans, il avait présenté à un concours ouvert par l’Académie des Inscriptions un mémoire sur la langue étrusque qui remporta le prix, et fut déclaré tout d’une voix un