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désormais il serait impossible aux esprits les plus prévenus de soutenir le contraire. Quelques mois auparavant, il avait envoyé, du Caire à Paris, les premiers chapitres de son histoire, dont lecture fut faite à l’Institut ; sa thèse avait scandalisé quelques égyptologues ; d’autres y trouvaient du bon, et l’un d’eux lui avait écrit à ce propos : « Voilà un début qui promet. Macte animo, generose puer. »

Vêtu d’une sorte de burnous en laine blanche, le cou libre, les cheveux en désordre, il était accoudé sur une table ronde, en face d’une écritoire dont le couvercle était surmonté d’un sphinx, et sa figure exprimait le contentement du cœur uni à la parfaite sérénité de la conscience. Au milieu de la table s’épanouissait une belle rose pourpre, presque noire, qu’il avait mise tremper dans un verre et dans laquelle une statuette en faïence bleue, qui représentait une déesse égyptienne au visage de chatte, plongeait indiscrètement, sans se dérider, son museau rébarbatif. Horace contemplait par instants ce museau, qui lui était cher, et cette rose, que Mme Corneuil avait cueillie pour lui il n’y avait pas une heure ; par instants aussi, tournant ses yeux vers sa fenêtre toute grande ouverte, il s’apercevait que la lune, alors dans son plein, projetait dans les eaux frissonnantes du lac