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Le long du chemin que ton char,
Impérieux et salué,
Suivit jusqu’au trou préparé
A mesure de taille humaine.


***

Retour. Vide. Il n’y a même plus ton cercueil.
Stupeur. Âme de tout menaçante et changée !
Rien n’est reconnaissable, et tout semble égaré.
Chaises, lit, vêtements, glace, journaux d’hier,
Restes de ce repas qu’il n’a pu achever,
Désordre, désarroi, tumulte, erreurs des pas ;
Cris dans l’espace, comme le vent et le feu ;
Brèche dans un cœur jeune, où la douleur se rue
D’un coup, comme les eaux d’une digue rompue !
Braves gens qui passez, donnez-moi votre joie
Que je la brûle sur les cendres de la mienne !
Dérision ! Je sais, mais il faut bien crier,
Résister, se cabrer, refuser quelque chose,
Avant d’avoir refait l’ancien monde écroulé.
O mon père, je souffre, et j’ai peur de la tâche,
Car tout m’est étranger, depuis que tu es mort.
La chambre où tu vivais cherche une nouvelle âme
Qui puisse retenir ce qui te suit là-bas.
Le temps est plein de trous que je voudrais boucher.
L’heure où tu revenais, le soir, ne sonne plus.