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LE PARFUM DES PRAIRIES

l’heure de tes femmes ; raconte-nous ce que tu as dit aux juges qui te demandaient des explications sur ce double mariage. Il me semble que nous avons entendu dire quelques mots de cette histoire.

Alors Baloul :

J’ai épousé deux femmes parce que je suis un grand sot ;
Un homme qui prend deux femmes a vraiment trop à faire.
J’étais entre elles comme un agneau,
Je fus d’abord très heureux entre ces deux brebis ;
Mais les brebis ont bientôt parlé et agi.
Alors j’ai souffert comme un mouton entre les griffes d’un chacal,
Donnant à chacune tour à tour une nuit
Où de dépit j’aurais voulu que le diable m’emportât.
J’aime assez l’une, mais l’autre… que le tonnerre l’écrase !
Quand finira cette fatigante comédie,
Je serai libre et prince de ma tête
Et j’aurai mon cœur à moi dans mes deux mains ;
Je vivrai seul et mourrai tranquille.
Une seule femme suffit pour damner une armée !

Le Sultan ayant entendu cette singulière poésie, se prit à rire et tomba de joie à la renverse. Quand il eut repris ses sens il donna à Baloul une bourse bien garnie et une robe en étoffe d’or si brillante