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LE PARFUM DES PRAIRIES


Et je comprends aussi qu’aux vieux temps des Croisades,
Nos preux, pour avoir bu de cet air une fois,
Aient, au retour, fondé le rite des tournois,
Souvenir des Fatmés et des Schéhérazades.

Mais je ne conçois pas qu’un seul soit revenu
De ce friand rivage où la magique Armide
Verse l’oubli de tout dans ce sourire humide
Ouvert comme une rose au seuil de l’inconnu !

VI

Un jour, sous le niveau banal de l’industrie,
L’esprit noir du progrès, vieux fils de Thubalcain,
Aura courbé le front du centaure africain,
Et l’amour oubliera qu’il eut une patrie.

Et vous disparaîtrez, par la mode éconduits,
Bizarres ornements qui fûtes ses costumes,
Beaux us hospitaliers dont il fit ses coutumes,
Et vous, merveilleux faits des Mille et une Nuits.

Allah se coiffera d’une calotte noire,
L’Arabe ira plaider en pantalons collants,
La Mauresque, traînant une robe à volants,
Balancera son corps dans vingt mètres de moire.

Les minarets rasés recevront des toits plats.
Par le désert, honteux de ses lignes ferrées,