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LE JARDIN PARFUMÉ

Oasis de Bou Sâada, 25 août 1884.
Monsieur et cher Éditeur,

Je reçois aujourd’hui seulement, en plein Sahara, votre carte postale.

Envoyez-moi, je vous prie, le recueil chez moi, à Paris, 83, rue Dulong (Batignolles), c’est encore le plus sûr. Je le trouverai, dans un mois, à mon retour.

Maintenant, autre chose. Je viens de découvrir ici un livre arabe, lubrique, remarquablement traduit par un officier supérieur français.

L’histoire de ce livre est curieuse. Un écrivain arabe allait être mis à mort par ordre d’un bey (celui de Tunis, je crois) quand il obtint sa grâce à la condition qu’il écrirait un livre capable de réveiller les passions mourantes de son souverain.

Il a écrit ce livre et fut gracié. Les dessins de cette traduction sont faits par un officier d’État-major. Tous sont remarquables. Un d’eux me paraît être un vrai chef-d’œuvre. Il représente deux êtres épuisés après l’étreinte.

Ce livre, absolument inconnu de tout le monde me paraît singulièrement intéressant pour les amateurs de Raretés, Vous irait-il de le publier ?

L’officier traducteur hésite beaucoup, ayant grand peur que son nom soit prononcé. Je lui ai affirmé que dans le cas où cet ouvrage vous agréerait, il pourrait être assuré de la plus absolue discrétion.

Malheureusement, il n’a pas osé traduire un des chapitres concernant un vice fort commun en ce pays, « la Pédérastie », mais, en somme, le livre est, en son genre, un des plus curieux qu’on puisse trouver.

Si cette trouvaille vous tentait, vous pourriez écrire directement de ma part à M. le Commandant Maréchal, Commandant supérieur du Cercle Militaire de Bou Sâada (Algérie).