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LE PARFUM DES PRAIRIES


Nous, les Roumis, polis à force d’être usés,
Nous faisons du bonheur un thème d’argutie,
Nous vivons de réserve et mourons d’asphyxie :
Barbares ! vous serez par nous civilisés.

IV

Ô fleur des oasis, ô gazelle des plaines :
Je jetterais au feu la lyre et le crayon,
Pour te voir un seul jour, sur ta peau de lion
Reposant, nonchalante, en tes splendeurs sereines.

Dans tes cheveux tordus en turban, noirs et lourds,
Scintille du jasmin l’étoile délicate,
Et le rire de l’or sur ta basquine éclate,
Quand le cœur y soulève en onde le velours.

Ton large front sculpté dans un massif d’opale
A d’un lac en repos le limpide poli ;
La ligne y court sévère, et son angle assoupli
Se noie en purs méplats sur ta peau mate et pâle.

Comme une coupe ouverte aux appétits ardents,
Saillit le bord puissant de ta lèvre lascive,
Rouge du suc d’irak, qui, mordant la gencive,
Met du baume à l’haleine et de l’émail aux dents.

De tes yeux verts de mer, profonds comme la vague,
Dont le khol élargit le contour azuré,