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LE PARFUM DES PRAIRIES

II

Or ce livre du Cheikh Nefzaouï le sage
Est un missel d’amour qu’un prophète eût signé,
Mais qu’en France, Tartufe, en son zèle indigné,
Condamnerait au feu pour maint et maint passage.

Il est vrai que l’amour, grand sultan d’Orient,
Fit le sens pour le cœur, et le mot pour la bouche,
Tandis qu’il n’est chez nous qu’un sournois saint-n’y-touche
Très prompt au sens brutal, fort prude au mot riant.

Il est bien loin le temps où la forme ingénue
Avec moins de pudeur avait plus de vertu.
(Si tu n’étais coupable, Eve, rougirais-tu ?
C’est la faute qui fait la honte d’être nue.)

Rire comme on riait dans le Décaméron,
C’est bon pour la jeunesse, et quand la voix est fraîche ;
Aujourd’hui que la France est décrépite et sèche,
Le malin Dieu gaulois boude ce laideron.

Mais là-bas, on est jeune encor ! L’homme au front rude
Que nous craignons toujours, même en en triomphant,
Est, aux pieds de sa mie, un tout petit enfant
Contant mille déduits d’amour, sans lassitude.

Et la beauté naïve entend, sans sourciller,
Ces récits aiguisés au vif, dont le trait leste