Page:Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 58 —

lui choisit et lui amène tout ce qui est supérieur en fait de beauté et de perfection, mais elle ne rend ses services que moyennant beaucoup d’argent, d’effets, de vêtements, de pierreries, de rubis et autres objets de prix. » « Et d’où vient au nègre tout cet argent ? » dit le roi. La femme ayant gardé le silence à ce sujet, il ajouta : « donne-moi, je te prie, quelques éclaircissements. » Elle lui fit signe alors, du coin de l’œil, que tout cela lui venait de la femme du grand-vizir.

Le roi comprit et continua : « Ô Beder el Bedour, j’ai foi et confiance en toi, et ton témoignage aura à mes yeux, la valeur de celui des deux adels[1]. Parle-moi sans détour au sujet de ce qui te concerne. » Elle lui répondit : « Je suis intacte, et, quand même cela aurait duré plus longtemps, le nègre n’aurait pas vu l’accomplissement de ses désirs. » Le roi insista en disant : « C’est bien comme tu le dis ? » Elle répondit : « C’est ainsi. » Elle avait compris ce que voulait dire le roi, de même que celui-ci avait saisi le sens de ses paroles.

« Donne-moi aussi des éclaircissements au sujet de mon honneur, » dit le roi. « A-t-il été respecté par le nègre ? » Elle répondit : « Il a été respecté ; je veux parler de ton honneur en ce qui touche à tes femmes. Son crime n’a pas été poussé jusque-là ; mais, si Dieu avait prolongé ses jours, il n’est point certain qu’il n’eût pas cherché à souiller ce qui doit être respecté. »

Le roi lui ayant demandé ensuite quels étaient ces nègres, elle répondit : « Ce sont ses compagnons ; lorsqu’il est complètement rassasié des femmes

  1. (55) Les deux adels (adeline), sont les témoins assermentés qui assistent le cadi lorsqu’il rend la justice.