Page:Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée.djvu/93

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 57 —

t’ai parlé, ô mon maître. »

« Et l’autre femme ? à qui appartient-elle ? » dit le roi. « C’est la femme de l’amine[1] des menuisiers, » répondit-elle. Le roi dit ensuite : « Et ces filles ? Quelles sont-elles ? » Elle répondit : « Celle-ci est la fille de l’écrivain du trésor ; cette autre est la fille du mohtesib[2] ; cette troisième est la fille du bouab[3] ; la suivante est la fille de l’amine des moueddine[4] ; celle-là est la fille du gardien des drapeaux[5]. » Elle les passa ainsi toutes en revue sur l’invitation du roi.

Le roi s’enquit ensuite des motifs de la réunion de tant de femmes. Beder el Bedour lui répondit : « Ô notre maître, le nègre n’a d’autre passion que celle du coït et du bon vin. Il ne cesse de coïter ni le jour, ni la nuit, et son membre ne dort que lorsqu’il dort lui-même. »

Le roi demanda alors : « De quoi vivait-il ? » Elle répondit : « De jaunes d’œufs frits dans la graisse et nageant dans le miel, et de pain blanc ; il ne buvait que du vin vieux et musqué. »

Le roi dit : « Qui a amené ici ces femmes appartenant toutes à des employés de l’État ? » Elle répondit : « Ô notre maître, il a à son service une vieille femme qui parcourt les maisons de la ville : elle

  1. (50) Le titre d’amine répond à celui de syndic.
  2. (51) Le mohtesib est un commissaire de police chargé de veiller à l’exactitude des mesures et des poids.
  3. (52) Bouab est pris dans le sens d’huissier.
  4. (53) Les moueddine sont les crieurs qui, du haut des mosquées, appellent les vrais croyants à la prière.
  5. (54) Les souverains ayant, en Orient, un grand nombre de Drapeaux, étendards, etc., qu’ils font porter devant eux dans les grandes cérémonies et qu’ils emportent lorsqu’ils sont à la tête de leurs armées, il en résulte que la place de gardien des drapeaux est assez importante.