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« Prends patience, je te la montrerai, moi. » Omar fut tout surpris de voir que le roi en savait si long. Le roi ajouta : « C’est donc là le nègre Dorerame. » « Oui, et c’est mon esclave, » répondit le vizir. « Tais-toi, ce n’est pas le moment de parler, » dit le roi.

Pendant qu’ils discouraient ainsi, le nègre Dorerame, toujours désireux d’obtenir les faveurs de cette femme, lui dit : « Je suis fatigué de tes mensonges, ô Beder el Bedour (pleine lune des pleines lunes) » car elle s’appelait ainsi.

Le roi dit : « Celui qui a ainsi nommé cette femme n’a avancé que la vérité, car, par Dieu ! c’est bien la pleine lune des pleines lunes. »

Cependant, le nègre voulait entraîner cette femme, et la frappait au visage.

Le roi fut alors saisi de jalousie, son cœur se remplit de colère et il dit au vizir : « Voilà ce que fait ton nègre ! et, par Dieu ! je ne le ferais pas mourir de la plus vilaine mort ! et je n’en ferais pas un exemple et un avertissement pour ceux qui voudraient l’imiter ! »

À ce moment, le roi entendit cette femme dire au nègre : « Tu trahis ton maître le vizir avec sa femme, et maintenant tu trahis celle-ci, malgré votre intimité et les faveurs dont elle te comble[1]. Et certes ! elle t’aime d’une violente passion, et toi, tu en recherches une autre. » Le roi dit au vizir : « Écoute

  1. (47) « Tu trahis ton maître, le vizir, avec sa femme, et maintenant tu trahis celle-ci. » Par cette phrase est rendu le passage du texte dont la traduction littérale est : « Tu trahis le sel et tu trahis la femme du vizir. » Trahir le sel est une expression imagée qui, faisant allusion à l’habitude orientale de donner l’hospitalité en offrant le sel, a le sens de : « Trahir l’hôte, le maître, la main qui nourrit. »