Page:Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 22 —

seraient morts d’amour.

Lorsque Bahloul eut entendu ses chants, elle lui fit servir des rafraîchissements ; il mangea et il but. Elle lui dit ensuite : « Je ne sais pourquoi je me figure que tu te dépouillerais volontiers de ta robe pour m’en faire don. » Bahloul répondit : « Ô ma maîtresse, j’ai fait le serment de ne la donner qu’à la personne à laquelle j’aurai fait ce que l’homme fait à la femme. »

« Quoi ! tu sais ce que c’est, ô Bahloul ? » reprit-elle.

« Comment ! je l’ignorerais, dit-il, moi qui instruis à ce sujet les créatures de Dieu ! C’est moi qui les fais accoupler par l’amour, qui leur enseigne quels sont les plaisirs de la femme, comment il faut la caresser, quelles sont les choses qui l’excitent et qui la satisfont. Ô ma maîtresse ! qui donc connaîtrait l’art du coït féminin, si ce n’est moi ? »

Cette Hamdouna était fille de Mamoun et épouse du grand-vizir. Elle était douée de la beauté la plus parfaite : elle éblouissait par sa taille et par l’harmonie de ses formes. Personne au monde, dans son temps, ne la surpassait en beauté, en éclat et en perfection. Si des héros la voyaient, ils demeuraient humbles et soumis, et ils baissaient les yeux vers la terre de crainte de tentation, tellement Dieu très élevé avait été prodigue envers elle de beautés et de perfections. Celui d’entre les hommes, qui fixait son regard sur elle, tombait dans le trouble et, à cause d’elle, combien de héros ont été mis en péril ! Bahloul avait toujours évité de la rencontrer, craignant de succomber à la tentation. Elle l’avait envoyé chercher pour qu’il vînt à elle, et, comme il craignait pour son repos, il n’y avait jamais été, si ce n’est