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serez tous mes prisonniers par la volonté de Dieu ! » Devant cette fermeté, Abou el Heïdja se résigna à s’asseoir au milieu des femmes et des jeunes filles, avec lesquelles il se mit à manger et à boire en attendant le terme de l’épreuve de ses compagnons.

Au début, Zohra, qui avait la conviction qu’ils seraient bientôt tous à sa merci, était d’une amabilité et d’une prévenance qui augmentaient chaque jour, en même temps que sa joie. Mais, lorsqu’arriva le vingtième jour, elle commença à donner des marques de tristesse, et au trentième elle ne put plus retenir ses larmes. C’était, en effet, le terme de l’épreuve imposée à Abou el Heïloukh qui, s’en étant tiré à son avantage, prit place à côté de son ami, au milieu des femmes et des jeunes filles qui continuaient à manger tranquillement et à boire abondamment.

Dès lors la princesse, qui n’avait plus d’espoir que dans le nègre Mimoun, compta que celui-ci se fatiguerait et ne pourrait arriver au bout de l’épreuve. Elle envoyait chaque jour prendre des nouvelles près de Mouna, qui répondait que la vigueur du nègre allait toujours en s’accroissant, et elle se désespérait, voyant déjà Abou el Heïdja et ses compagnons sortir vainqueurs de leur entreprise. Un jour elle leur dit : « J’ai envoyé prendre des nouvelles du nègre, et Mouna m’a fait savoir qu’il était épuisé de fatigue. » À ces paroles, Abou el Heïdja s’écria : « Par Dieu ! s’il ne mène pas sa tâche à bonne fin, et même s’il ne dépasse pas de dix jours le délai convenu, il ne mourra que de la plus vilaine mort ! »

Mais le zélé serviteur n’eut pas, pendant cinquante jours, un seul instant d’arrêt dans son travail de copulation, et fournit, en sus, les dix jours que lui avait imposés son maître. Mouna, de son