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ces paroles une seconde fois. Alors prends-le lui des mains, ou bien laisse lui le soin de le poser à terre lui-même. Puis, tu ne le verras plus jusqu’au matin. Lorsque le pot aura été posé à terre et que mon mari se sera éloigné, bois en le tiers et remets-le lui à sa place. »

L’ami partit, observa toutes les recommandations de Bahia et, lorsque le mari vint avec le pot plein de lait, il ne le lui prit pas de ses mains qu’il n’eût répété une seconde fois : « Voilà le pot ! » Malheureusement il retira ses mains du vase lorsque le mari voulut le poser ; celui-ci croyant qu’il était soutenu le lâcha ; le vase tomba à terre et se brisa. Le mari, le prenant pour sa femme, s’écria : « Où as-tu donc l’esprit ? » puis, saisissant une verge, il l’en frappa jusqu’à la briser, en prit une autre et le roua d’une cinquantaine de coups, au point de lui rompre les reins. La mère et la sœur de Bahia accoururent pour le tirer des mains de ce furieux. Il avait perdu connaissance. Heureusement elles parvinrent à emmener le mari hors de la chambre.

La mère de Bahia ne tarda pas à revenir et, s’approchant de lui, lui parla si longuement qu’il était prêt d’être suffoqué de tout ce qu’elle lui disait, car il ne pouvait que se taire et pleurer. Elle termina en disant : « Aie confiance en Dieu et obéis à ton mari. Quant à ton amant, il ne peut venir te voir maintenant pour te consoler, mais je t’enverrai ta sœur pour te tenir compagnie. » Puis elle partit.

Elle lui envoya, en effet, la sœur de Bahia, qui se mit à lui prodiguer les consolations et à maudire celui qui l’avait frappé. Elle pleurait, et lui gardait le silence. Il sentait que son cœur s’attendrissait pour elle, car ses yeux lui avaient appris qu’elle était d’une beauté éblouissante, qu’elle réunissait toutes les perfections