Page:Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 218 —

que rire et plaisanter, tandis que l’autre ne cessait le matin, de pleurer et de se lamenter.

Un jour, ces deux femmes se trouvaient ensemble et s’entretenaient de leurs maris.

La première disait : « Je vis dans la plus grande félicité. Mon lit est une couche de délices. Lorsque mon mari et moi nous y sommes réunis, il devient le témoin de nos suprêmes bonheurs et de nos regards réciproques, le siège de nos baisers et de nos étreintes, de nos joies et de nos soupirs amoureux. Lorsque le membre de mon mari entre dans ma vulve, il la bouche complétement ; il s’y étend, il en atteint le fond ; il ne quitte point cette demeure qu’il n’en ait visité tous les coins et recoins, le seuil, le vestibule, le plafond et le milieu. Lorsqu’arrive le plaisir, il se place au centre même du vagin[1] qu’il arrose abondamment de ses larmes. Nous éteignons ainsi nos feux et nous calmons nos ardeurs. »

La seconde répondait à cela : « Je vis dans le plus grand chagrin. Notre lit est un lit de malheur, et notre réunion est une réunion de fatigues et de peines, de haine et de malédictions ! Lorsque le membre de mon mari entre dans ma vulve, il ne la bouche pas complétement, et, s’il veut s’y étendre, il n’en atteint pas le fond à cause de son peu de longueur. Quand il est en érection, il est tout tordu et ne peut procurer le moindre plaisir. Il est d’ailleurs débile, mince, et n’arrive pas à éjaculer, même une larme. Enfin une femme ne peut trouver aucun avantage à s’en servir. »

Tels étaient les propos qu’échangèrent dès lors, chaque jour, les deux voisines.

Or, il survint, dans le cœur de celle qui avait à se plaindre de son mari, le désir de commettre l’adultère avec le mari de l’autre. Elle se dit en elle-

  1. voir note (107) : Le mot Heurmak n’est point un mot arabe usité. Sa signification s’applique à un cheval emporté, violent, indomptable.