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était autrefois une femme, et cette femme était ma meilleure amie. Un jour, elle fut invitée avec moi à une noce : elle revêtit les habits qui lui allaient le mieux, mettant de côté ceux qui ne lui seyaient pas, et se couvrit de ses plus belles parures. Puis nous sortîmes ensemble. En route nous fûmes arrêtées par un homme qui, à sa vue, fut saisi du plus violent amour, mais elle ne l’écouta point. Il lui fit faire maintes propositions, mais elle les repoussa. Enfin il lui fit offrir de brillants cadeaux, qu’elle refusa également. Cet homme l’ayant rencontrée un jour lui dit : « Rends-toi à mon désir, sinon je conjurerai Dieu de te métamorphoser en chienne ! » Elle lui répondit : « Conjure qui tu voudras ! » L’homme appela alors la malédiction du ciel sur cette femme qui fut changée en chienne, comme tu peux le voir ! »

À ces paroles, la maîtresse de la maison se mit à pleurer et à se lamenter, en disant : Ô ma mère, je crains de subir le même sort que cette chienne. » « Mais qu’as-tu donc fait ? » dit la vieille. « Il y a un homme, répondit-elle, qui m’aime depuis longtemps et je n’ai pas voulu céder à ses désirs, ni même l’écouter, quoique sa salive se soit desséchée dans sa bouche à force de me supplier et qu’il ait fait de grandes dépenses pour me plaire. Je lui ai toujours répondu que je ne céderais pas, et je crains maintenant, ô ma mère ! qu’il n’appelle sur moi la malédiction de Dieu. »

« Fais-moi connaître cet homme, dit la vieille, de peur que tu ne deviennes comme cet animal. » « Mais où pourras-tu le rencontrer, et qui pourrais-je envoyer vers lui ? » s’écria la maîtresse de la maison.

La vieille répliqua : « Moi, ô ma fille. Je te rendrai ce service et j’irai le trouver. » « Hâte-