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« milieu a été arraché
« et elle est restée comme un vase sans anse,
« ses cordes se sont détendues et son centre
« s’est affaissé et a formé un creux semblable à un chaudron étamé. »


Chaque fois, donc, que j’entretenais cette femme de mes désirs, elle me répondait par ces vers, dont je ne saisissais pas le sens et auxquels il m’était impossible de répliquer, ce qui ne faisait qu’exciter mon amour. J’interrogeai donc tous ceux que je connaissais parmi les sages, parmi les philosophes, et parmi les savants en fait de poésie ; mais aucun ne put me donner une solution qui satisfît mon cœur et calmât ma passion.

Je continuais toutefois mes investigations, lorsque, à force de consulter tout le monde à ce sujet, j’entendis parler d’un savant nommé Abou Nouass[1], qui habitait un pays éloigné, et qu’on m’indiqua comme étant le seul capable de trouver le mot de l’énigme. Je me rendis auprès de lui : je lui appris ce qui s’était passé entre cette femme et moi, et je lui récitai les vers.

Abou Nouass me dit : « Cette femme t’aime à l’exclusion de tout autre, elle est d’une forte corpulence et elle a beaucoup d’embonpoint. » Je lui répondis : « Oui c’est exact. Tu en fais le portrait comme si elle était devant toi, sauf en ce qui concerne son amour pour moi, dont elle ne m’a, jusqu’à présent, donné aucune preuve. » —

  1. (124) Le véritable nom d’Abou Nouass était Abou Ali Hacene. Il portait aussi le surnom d’el Hakemi. Il était né de parents obscurs, vers 135 ou 136 de l’Hégire, et il acquit une grande réputation comme poète et philosophe.