Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/70

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Qu’est devenu Conrad ? Dites, parlez. » « Madame,
Nous l’ignorons. À peine échappés de la flamme
Nous sortîmes vivants. Mais un de nous encor
Pourra vous affirmer que Conrad n’est pas mort ;
Qu’il le vit enchaîné, sanglant, mais il respire. »
C’est en entendre assez. Dans son affreux délire
Elle résiste en vain, et ses pensers fiévreux
Font bondir chaque veine et son sang tout en feux,
Jusqu’à ce qu’il s’arrête et tout d’un coup reflue.
À ces suprêmes mots, altérée, éperdue,
Ces pensers que longtemps elle tint écartés,
En foule à son cerveau se sont précipités.
De sentiment privée, elle chancelle et tombe ;
Lorsque les matelots, de leurs grossières mains,
De la tendre pitié lui prodiguent les soins,
Jettent des gouttes d’eau sur sa forme sans vie,
Lèvent, en l’éventant, sa tête appesantie
Qu’ils soutiennent. Enfin, elle a repris ses sens.
Appelant l’odalisque en leurs rudes accents,
Ils confient ce beau corps, qu’en pleurant ils admirent,
Au harem empressé ; puis, sans bruit, se retirent
Dans la grotte d’Anselme, où tout le monde accourt,
Pour faire le récit d’un triomphe trop court.