Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/56

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Car, si de la victoire il avait eu la chance,
Le Corsaire eût traité son ennemi vaincu
Comme il en est traité. Le destin l’a voulu.
Mais dans la solitude un penser le tourmente,
Qu’il n’ose point braver, plongé dans les cachots,
Quand d’un sein criminel il fouille le chaos.
Hélas ! pour Médora, nouvelle trop poignante !
C’est alors qu’avec rage il soulève ses fers.
En y fixant les yeux, il agite sa chaîne ;
Puis, tout à coup distrait de ces pensers amers,
Qu’il ait feint ou rêvé quelque trêve à sa peine,
Il semble sur son sort se faire illusion,
Et sourit à moitié, comme en dérision.
« Qu’elle vienne en son temps, à son gré, la torture,
J’ai besoin de repos avant le jour fatal. »
Il a dit, et bravant le supplice du pal,
Marche languissamment, mais sans plainte ou murmure,
Vers sa natte, où le chef, oublieux de la mort,
Malgré les visions qui l’assiègent, s’endort.
Minuit sonnait à peine au moment du carnage ;
Les projets de Conrad étaient tous accomplis :
De la destruction l’impatiente rage
N’avait déjà laissé nuls crimes non commis.
Une heure l’avait vu traverser Fonde amère,
Déguisé, découvert, vainqueur de l’ennemi.
À terre chef puissant et sur les eaux corsaire,
Tour à tour destructeur, sauveur, pris, endormi.