Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/27

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Des richesses, de l’or ne saurais-tu jouir ?
Maint domaine de luxe et d’existence heureuse
Nous invite à quitter ta vie aventureuse.
Tu sais que ce n’est point le péril dont j’ai peur,
Mais ton absence seule excite ma frayeur,
Non pour ma vie à moi, pour la tienne si chère,
Pour toi, qui fuis l’amour et cours après la guerre.
Chose étrange qu’un cœur, pour moi si tendre encor,
Combatte la nature et son plus doux essor ! » —
« Chose étrange, en effet, qu’en sa longue souffrance
Ce cœur depuis longtemps se trouve ainsi changé !
Foulé comme le ver, vipère il s’est vengé.
Sauf ton amour sur terre il n’a plus d’espérance
Et de pardon au ciel à peine une lueur.
Pourtant ce sentiment qu’en moi ta bouche blâme,
L’amour pour toi, d’autrui c’est la haine et l’horreur ;
Et s’ils sont tous les deux désunis dans mon âme,
Aimant le genre humain, je cesse de t’aimer.
Cependant ne crains rien : reçois ma foi jurée ;
Tout mon amour passé, je puis te l’affirmer,
De mon futur amour t’assure la durée.
Mais, ô ma Médora, dans ces derniers instants
Arme ton tendre cœur de force et de courage,
Une heure encore et puis nous quittons le rivage
Et nous nous séparons, mais non pas pour longtemps. » —
« Dans une heure tu pars ? Je le sentais d’avance.
Ainsi s’évanouit mon rêve d’espérance !