Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/26

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Il franchit le portail, le passage, et s’élance
Vers la chambre au moment où finit la romance.
« Ma chère Médora, ton chant est douloureux. » —
« Ah ! loin de mon Conrad peut-il être joyeux,
Sans ton oreille ici gui pour moi s’intéresse ?
Mon chant peint ma pensée et trahit ma tendresse ;
Chaque accent doit vibrer avec mon cœur d’accord,
Si ma bouche est sans voix, mon cœur résonne encor.
Oh ! que de nuits foulant ma couche solitaire,
Ma crainte, à l’air prêtant l’orage imaginaire,
Fit du souffle léger qui caressait le flot
Le prélude du vent fatal au matelot.
La brise avait le son du glas qui se lamente,
Prophétisant la mort sur la vague écumante.
Je me levais soudain, attisant le, fanal,
Une autre eût négligé la flamme du signal ;
Mes heures sans repos épiaient chaque étoile,
Et l’aurore venait nous ramener ta voile.
Ah ! comme sür mon sein l’âpre bise a soufflé !
Quel triste point du jour à mon regard troublé !
Je regardais toujours, toujours, nulle nacelle
N’est donnée à mes pleurs, nulle à mon vœu fidèle.
Enfin il est midi. J’ai salué, béni
Un mât, mais ce n’est point celui de mon ami.
Il passe… Un autre… Enfin ta voile se déploie.
Puissent ces jours finir ! Mais la paix et la joie,
N’apprendras-tu jamais, Conrad, à les sentir ?