Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/23

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Mes compagnons verraient pâlir un front d’acier !
Non, s’il est imprudent cette fois de combattre,
Il l’est bien plus d’attendre ici même la mort,
D’attendre qu’on nous chasse en notre dernier gîte,
Irrévocablement, et sous le coup du sort.
Mais si je réussis dans cette âpre poursuite.
Si la fortune encor veut sourire à mes vœux,
Maints pleureurs vengeront nos bûchers funéraires.
Mais qu’ils sommeillent ! Paix à leurs rêves heureux !
Le matin n’envoya jamais à leurs paupières
Un plus brillant réveil et des feux aussi clairs
Que ceux que je prépare aux lents vengeurs des mers
Pour luire cette nuit. Mais, souffle douce brise !…
À toi, ma Médora ! quel poids j’ai dans ma crise
Sur mon cœur ! Plus longtemps que le sien soit léger !
Je fus brave pourtant. Vaine et sotte jactance.
Qui n’est brave ? L’insecte aussi pour protéger
Une proie, a son dard qu’aux ennemis il lance.
Ce courage, commun à là brute, aux humains,
Qui doit au désespoir tous ses efforts suprêmes,
N’est qu’un mince mérite, et je voulais aux miens
Apprendre noblement, en des périls extrêmes
Contre une forte troupe à lutter, faible essaim,
De son généreux sang non vainement prodigue.
Je les guidai longtemps ! Quelle sera la fin ?
Point de milieu ! mourons, ou mort à cette ligue !
C’en est fait ! sans regret je suis prêt à mourir.