Je vous laisse, et m'en vais le plus content du monde.
Madame, on n'aura pas de peine à concevoir
Quelle était la promesse, et quel est cet espoir.
Mais ce que l'on aurait de la peine à comprendre,
C'est que cette promesse et si douce et si tendre, [1690]
Reçue à la même heure, et presque au même lieu,
Mot à mot dans ma bouche ait mis le même adieu.
Il faut vous en faire un de plus longue durée,
Et dont vous vous teniez un peu moins honorée.
Adieu, madame ; adieu ! Ne vous flattez jamais [1695]
Que je vous aie aimée autant que je vous hais !
Il fait quelques pas pour s'en aller.
Donnons-nous à notre aise ici la comédie,
Car il va revenir.
Elle s'assied à l'un des coins du théâtre, en face du parterre, et lève l'éventail du côté par où Dorante peut l'aborder.
Monstre de perfidie !
Pouvoir ainsi passer, d'abord et sans égard,
Des mains de la nature à ce comble de l'art ! [1700]
M'avoir peint ce rival comme le moins à craindre !
M'avoir persuadé, presqu'au point de le plaindre !
Qu'avez-vous prétendu par cette trahison ?
Pourquoi, d'un vain espoir y mêlant le poison,
Me venir étaler d'obligeantes alarmes ? [1705]
Me dire, en paraissant prête à verser des larmes :
"Dorante ! Ou je fléchis mon père, ou de mes jours,
À l'asile où j'étais, je consacre le cours ! "
Quels étaient vos desseins ? Répondez-moi, cruelle !
Ne les dois-je imputer qu'à l'orgueil d'une belle, [1710]
Qui, jalouse des droits d'un éclat peu commun,
Veut gagner tous les coeurs, et ne pas en perdre un ?
Ce reproche fût-il le seul que j'eusse à faire !
Mais, hélas ! Malgré moi, la vérité m'éclaire.
Ce rival, dès longtemps, est le rival aimé. [1715]
C'est pour lui que j'ai vu votre front alarmé ;
Et quand vous me disiez que j'en étais la cause,
Quand vous me promettiez bien plus que l'amour n'ose,
C'est que de votre amant vous protégiez les jours,