Page:Chefs-d'oeuvre des auteurs comiques, Tome 5, 1846.djvu/226

Cette page n’a pas encore été corrigée

DORANTE

J'obtiendrai son aveu ; rien ne m'est plus facile.

Mais, parmi tant d'amants, adorable Lucile, [900]

N'auriez-vous pas déjà nommé votre vainqueur ?

LUCILE, tirant des vers de sa poche.

L'auteur seul de ces vers a su toucher mon coeur ;

Je l'avoue, et pour lui me voilà déclarée.

DORANTE, apercevant Damis.

On nous écoute !

LUCILE

Eh ! C'est Monsieur De L'Empyrée !

Lisons-les-lui, ces vers, il en sera charmé. [905]

DORANTE, à part.

Est-ce lui, juste ciel ! Ou moi qu'elle a nommé ?

LUCILE, à Damis.

Venez, monsieur, venez, pour qu'en votre présence,

Nous discutions un fait de votre compétence ;

Il s'agit d'une idylle où j'ai quelque intérêt ;

Et vous nous en direz votre avis, s'il vous plaît. [910]

DORANTE

Madame, on fait grand tort à messieurs les poètes,

Quand on les interrompt dans leurs doctes retraites.

Laissons donc celui-ci rêver en liberté ;

Et détournons nos pas de cet autre côté.

DAMIS


Le plus grand tort, monsieur, que l'on puisse nous faire, [915]

C'est de priver nos yeux de ce qui peut leur plaire.

Peut-on penser si bien, étant seul en ces lieux,

Qu'étant avec madame, on ne pense encor mieux ?

Madame, je vous prête une oreille attentive.

Rien ne me plaira tant. Lisez ; et s'il m'arrive [920]

Quelque distraction dont je ne réponds pas,

Vous ne l'imputerez qu'à vos divins appas.

LUCILE

Votre façon d'écrire élégante et fleurie

Vous accoutume au ton de la galanterie.

Allons, messieurs, passons sous ce feuillage épais, [925]

Où, loin des importuns, nous puissions lire en paix.

Damis lui présente la main qu'elle accepte, au moment que Dorante lui présentait aussi la sienne.

DORANTE, seul.