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que votre sévérité vengeresse ne s’arme point contre moi. Vous pouvez être clément, Seigneur, sans cesser d’être équitable.

Oui, bien que notre faible raison ait de la peine à comprendre comment votre miséricorde ne blesse point votre justice, nous sommes forcés de croire que votre clémence est d’accord avec votre équité, parce qu’elle est un effet de votre bonté souveraine, et que la bonté ne peut exister sans la justice, qui en est la condition nécessaire. Si votre miséricorde n’est qu’un effet de votre bonté souveraine, et si la grandeur de votre bonté n’est qu’un effet de la grandeur de votre justice, il est donc vrai de dire que vous êtes clément, parce que vous êtes souverainement juste. Éclairez mon esprit, Dieu de justice et de miséricorde dont je cherche la lumière ; éclairez mon esprit, afin que je puisse voir la vérité. Vous êtes clément, parce que vous êtes juste ; votre miséricorde est-elle donc un effet de votre justice ? est-ce donc par équité que vous faites grâce aux méchans ? S’il en est ainsi, Seigneur, s’il en est ainsi, apprenez-moi comment cela peut être. Est-ce que votre justice, pour être complète, a besoin que votre bonté soit infinie, votre puissance sans bornes ? Oui, Seigneur ; et il manquerait quelque chose à votre équité, si votre bonté, se bornant à récompenser la vertu, ne pardonnait pas aussi au coupable ; si votre puissance, se bornant à ranimer l’amour du bien dans les âmes indifférentes, ne détruisait aussi l’amour du mal dans les âmes corrompues.

Voilà comment il est juste que vous pardonniez aux méchans, que vous les forciez à devenir bons. Enfin, ce qui n’est pas conforme à l’équité ne doit pas être fait, et ce qui ne doit pas être fait est injuste. Si donc il n’est pas conforme à l’équité que vous fassiez grâce aux méchans, vous ne devez point être indulgent pour eux ; si vous ne devez point être indulgent pour eux, c’est injustement que vous leur faites grâce. Mais c’est un blasphème de supposer que vous puissiez faire une chose injuste ; nous devons donc croire qu’il est juste que vous fassiez grâce aux méchans.

Chap. X.

Mais il est juste aussi que vous les punissiez. Quoi de plus équitable, en effet, que d’accorder à la vertu les récompenses qui lui sont dues, et d’infliger au coupable le châtiment qu’il mérite ? Comment donc est-il juste que vous punissiez les méchans, et juste que vous leur fassiez grâce ? Y a-t-il deux justices, celle qui punit et celle qui pardonne ? Oui, Seigneur, quand vous punissez les méchants, vous faites un acte de justice, parce que vous faites ce qui convient à leurs mérites. Quand vous leur pardonnez, vous faites encore un acte de