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core : « Il reste assis comme fait son voisin ; » ou bien : « Il se repose comme fait son voisin. » C’est encore abuser des expressions que de parler ainsi ; celui qui reste assis n’est pas dans un état actif, mais dans un état passif ; et celui qui se repose ne fait absolument rien.

De même, quand on dit d’un homme qu’il a le pouvoir de commettre ce qui est un crime, ou d’éprouver un malheur, le mot pouvoir est impropre, et c’est impuissance qu’on devrait dire ; car, plus il a ce prétendu pouvoir, plus il est soumis à l’empire du mal et aux coups de l’adversité ; par conséquent plus il se montre faible et sans force. Ainsi, mon Seigneur et Dieu, vous êtes donc véritablement tout-puissant, puisque vous ne pouvez rien par faiblesse et que rien n’a de pouvoir contre vous.

Chap. VIII.

Mais comment êtes-vous à la fois miséricordieux et impassible ? Car, si vous êtes impassible, vous n’êtes point compatissant ; si vous n’êtes point compatissant, votre cœur n’éprouve point de pitié pour ceux qui souffrent ; vous n’êtes donc point miséricordieux. Mais si vous n’êtes point miséricordieux, d’où nous viennent tant de consolations dans nos souffrances ? comment alors, Seigneur, êtes-vous et n’êtes-vous pas tout à la fois miséricordieux ? N’est-ce pas que vous l’êtes par rapport à nous, et que vous ne l’êtes point relativement à vous-même ? Oui, Seigneur, vous l’êtes, si l’homme consulte ce qu’il éprouve ; vous ne l’êtes point, s’il consulte ce que vous éprouvez. Quand vous daignez jeter un regard sur vos créatures qui souffrent, elles sentent les effets de votre miséricorde ; mais vous, Seigneur, vous ne sentez point leurs souffrances. Vous êtes donc miséricordieux, puisque vous consolez les malheureux et que vous pardonnez aux pécheurs, et en même temps vous êtes impassible, puisque vous n’éprouvez point cette sympathie douloureuse qu’on nomme pitié.

Chap. IX.

Mais comment pardonnez-vous aux méchans, si vous êtes juste, souverainement juste ? comment, étant juste, souverainement juste, faites-vous une chose contraire à la justice ? Ou bien, comment est-il conforme à la justice de donner la vie éternelle à ceux qui mérite l’éternel supplice de l’enfer ? D’où vient donc, ô mon Dieu, vous dont la bonté infinie s’étend sur les bons et sur les méchant, d’où vient que vous sauvez les coupables, si leur impunité blesse la justice et si vous ne faites rien qui ne soit juste ? Est-ce parce que votre bonté est immense, infinie, et le secret de votre miséricorde se dérobe-t-il à nos yeux dans cette lumière inaccessible qui vous environne ?

Oui, Seigneur, la source d’où découle le fleuve de votre miséricorde