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des enfants. (À la demoiselle.) Car tu seras heureuse, ma fille, heureuse et honorée… Oui, honorée !… Quand La Villette saura qu’elle est la fille du père Michu, elle pourra se promener en reine le long du canal… pas sur le côté droit, il est malpropre, mais sur le côté gauche… Seulement, les ouvriers s’y baignent en été. Ah ! oui, heureuse ! car elle aura un rude gars pour mari… tout mon portrait à vingt ans, mais avec le latin en plus… Oui, tout mon vrai portrait… et je ne me vante pas… car je vous aurais rencontrée alors, la maman, que je ne vous aurais pas laissé le temps de demander d’où venait le vent. Ah ! le mariage fait, nous la mènerons bonne… pas à boire du thé, par exemple !… J’en ai assez de votre eau chaude ; on y ferait infuser une armoire en noyer que ça aurait le même goût… Le vidame aura la clef de la cave, il se rattrapera. Nous vivrons unis comme les quatre doigts et le pouce… toujours des concessions… vous me passerez ma pipe et je vous parlerai de votre reine Marie-Antoinette, puisque c’est un besoin chez vous. Et puis, les petits enfants viendront nous égayer, car j’aime les enfants. Je préfère les garçons… C’est moi qui les élèverai… J’en ferai de vrais Michu. Aussi ai-je dit à mon Adolphe : « J’ai encore un million pour toi le jour où tu me présenteras ton douzième garçon… »

La duchesse, effrayée. — Douze !!!

Michu. — Pourquoi pas ? On ne se marie point pour rester les bras croisés, j’aime à le croire… Ma mère en a eu dix-sept… Il est vrai que c’était sous le premier Empire ; elle voulait gagner la prime… une surprise qu’elle désirait faire à mon père. Moi, je suis moins exigeant… À douze, j’ouvre ma caisse…