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père Michu, elle trouvera encore à passer du bon temps et à chanter godichon. Vous savez que ce que je dis pour elle, je le dis pour vous, la mère, vous aurez votre rond… Je le dis aussi pour le papa.

La duchesse, étonnée. — Quel papa ?

Michu. — Dame ! monsieur ici présent… Ah ! tiens, oui, c’est vrai… On dit le parrain… Adolphe m’avait prévenu… Va pour le parrain… Quelle drôle d’idée de famille ! Est-ce que c’est comme ça depuis les croisades ?… Allons, ne vous fâchez point, puisque je vous dis que je n’épluche pas… Ah ! la mère Michu aurait été plus sévère !… Mais moi, je ne dis rien, du moment que la petite a enjôlé mon garçon.

Le vidame, scandalisé. — Oh !

Michu. — « Enjôlé » vous froisse ? Mettons « abruti ». Je ne tiens pas à faire manquer l’affaire pour un mot leste. Ce qui plaît à mon fils me chausse aussi… Il aurait voulu épouser un bâton de chaise, je l’aurais laissé faire. Aussi, quand il est venu me dire : « Ils n’ont pas le sou, la mère a tout fricotté, et le vieux n’a plus que ses parchemins à sucer ; de sorte que la petite n’apporte que ses yeux et un peu de dentelles », moi, j’ai répondu de suite : « Nous les requinquerons ».

La duchesse, fière. — Monsieur !…

Michu. — Point de remerciements… Vous n’avez pas le sou, j’ai de l’argent : nous mangerons au même râtelier… Vous viendrez habiter ma grande maison de La Villette ; cela vous fera l’économie d’un loyer, car je ne sais pas ce qu’on gagne dans les vidames, mais vous ne paraissez pas très calés… et nous la passerons douce en assistant au bonheur