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qu’ils devaient se flanquer un coup de torchon avec les négrillons, puis ils se faisaient un sac en vendant un lopin de terre ou de bois, et ils allaient passer une saison en Palestine où un nommé Saladin, le Benazet du pays, donnait à jouer. Quand ils étaient rincés de leur quibus, ils écrivaient à la bourgeoise qu’ils étaient prisonniers. Mes malheureuses, pour avoir l’argent de la rançon, tricotaient des bas et brocantaient le reste des bibelots… Quand il n’y avait plus rien à laver au logis, mes gaillards revenaient raconter les prétendues peignées reçues par l’ennemi et ils rapportaient à leurs femmes des cymbales qu’ils avaient gagnées à la toupie hollandaise… Ah ! ils entendaient la noce en grand, ces rosses-là !… Faut avouer pourtant que leurs femmes étaient de rudes bêtasses ! Ce n’est pas ma défunte qui en aurait gobé de ce numéro-là. Elle se levait et se couchait méfiante. Je l’entends encore quand elle me disait en mourant : « Ne marie jamais Adolphe à une famille susceptible des tribunaux ».

La duchesse. — Mais…

Michu, interrompant. — Oh ! ne tremblez pas ! Comme Adolphe ne peut vivre sans la petite, je veux bien ne point aller à l’épluchage, et je n’en demande pas plus long. Mon gamin m’a dit : « Ils veulent deux millions ». Allons-y… J’aurais préféré la petite moins blonde ; mais vu que ce n’est pas moi qui épouse, mettons mon goût dans mes bottes… Je lâcherai leurs deux millions. Avec ça, on peut de temps en temps payer une bouteille à un ami ou aller passer quatre ou cinq jours en Italie à regarder des statues ; sans compter que, trois fois par semaine, si la petite veut venir s’atteler au rôti du