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moi, je me suis dit : « Laissons folâtrer le mouton ». Eh ! bien, monsieur, à dater de l’obélisque, il avait déjà changé son fusil d’épaule !… J’ai vu juste tout de suite : « Toi, ai-je pensé, t’as beau élever des colonnes creuses le long des boulevards pour flatter le peuple et donner de l’ombre, charrie droit ou tu auras également de la pelle au dos !… » Aussi, quand est arrivée l’affaire du gueuleton de votre baron Odillot, j’ai aussitôt compris qu’il y allait avoir de la cuisine dans la rue. Huit jours après, ils lui flanquaient de la pelle au dos et ils faisaient bien, je les approuve ; seulement ils ont eu tort de brûler le pont Louis-Philippe ; parce qu’un pont, c’est un monument, et qu’un monument, c’est l’histoire des nations !

La duchesse. — Nous nous écartons…

Michu, interrompant. — Oui, ma bonne dame, un monument, c’est l’histoire des nations ! C’est si vrai qu’en Égypte, quand les savants ont voulu les transporter dans les salons du Louvre, Bonaparte leur a dit : « Je vous défends d’enlever une seule pierre des Pyramides ! » (Pudeur que n’ont pas eue les Anglais, qui les ont emportées en détail dans leurs goussets !…) Là, il a eu raison et cent fois raison… L’affaire du duc d’Enghien, ça, c’est autre chose…

La duchesse. — Qui n’a commis une faute en sa vie ?

Michu, soupçonneux. — Tiens, vous venez de vous couper, ma petite mère.

La duchesse. — Oh ! pouvez-vous croire…

Michu, regardant le vidame. — Alors, c’est donc avec ce petit vieux-là… qui en a bien l’air, du reste.