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de ma cheminée, à la place de la pendule, jetée à terre, quand je relus le charmant billet pour la vingtième fois… Lisons-le ensemble :

« Monsieur Gaston,

« Je n’ai pas voulu m’endormir en gardant pour moi seule une bonne nouvelle. Papa revient de chez M. le baron ; et il est tellement satisfait de ce que lui a dit votre parrain, qu’il doit demain matin vous écrire de venir causer à la maison en déjeunant.

« Bonne nuit.

« Berthe. »

Apprenez ce qui s’était passé :

Bien loin de me garder rancune pour la scène de l’Indien, le baron, qui s’était fort égayé de cette jalousie de tigre, avait eu regret du rôle qu’il m’avait fait jouer dans le trio. Son repentir l’avait donc mis dans les meilleures dispositions pour moi quand il reçut la visite du papa, qu’il connaissait de longue date. Tant qu’il avait été question de mon physique, de ma vie rangée, de mes qualités morales, le baron avait été prodigue d’éloges. Mais le père, homme à idée fixe, était enfin arrivé à cette terrible question :

— Notre jeune homme a-t-il de la fortune ???

Le baron avait le culte de la vérité, mais, d’une autre part il me portait une sincère affection. Il sentait que de sa réponse dépendait mon sort. Se trouvant donc pris entre sa manie de franchise et son amitié pour moi, il s’était enfin décidé à sortir d’embarras en employant un biais, un de ces fameux biais :