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mander ainsi d’entacher à son profit toute une vie de loyauté !!!

À ce moment, la porte du salon s’ouvrit et je vis entrer un des bons amis de mon parrain, dont la première phrase fut :

— Cher baron, je viens pour réclamer de vous un immense service…

Ce visiteur était un homme d’une cinquantaine d’années, sec, nerveux, petit, aux gestes de ressort qui se détend, jaune comme un citron, rageur comme un chat-tigre, remuant comme une gélatine, et dont la vie se passait à grincer des dents. Après avoir habité les Indes, où il avait fait une colossale fortune, cet animal à peu près féroce était venu en France. Depuis le jour de son arrivée, il n’avait pas encore déragé, car il se heurtait à chaque instant contre ces mille petites entraves de notre civilisation qui sont inconnues aux Indes.

À son débarquement, le misérable avait pris femme, et il avait de l’amour…, si j’ose nommer amour l’épouvantable manière dont son atroce jalousie tourmentait une malheureuse qui, dans ses moments de repos, caressait l’idée du suicide.

Maintenant que mon homme est posé, esquissons la scène dont je fus témoin, à son insu, pour une grande partie ; car, à son entrée, la porte, en se développant, m’avait caché à l’Indien, qui, actuellement assis devant le feu, me tournait le dos. — Je ris encore en songeant à ce singulier colloque entre la nature calme, fine et polie de mon parrain, et ce grossier salpêtre fait homme. Je croyais voir la fameuse scène de Passé minuit.